lettres malgaches 37

Publié le par tontonjef








Roivivant à Tontonjef, le jour d'YSL








Nous partions sur l'autoroute vers l'Espagne passer un dimanche au soleil, au bord de l'Océan Atlantique : la famille élargie dans la cabine de la voiture, le picnic dans le coffre. En semaine, cette autoroute est une chenille de 200 kilomètres composée de 10 000 camions-anneaux provenant de l'Europe entière, d'Espagne, du Portugal, de Grande Bretagne, des Pays Bas et de certains pays de l'Europe de l'Est, noria incessante de marchandises diverses et variés au Nord et au Sud. Le dimanche, seuls quelques camions frigorifiques transportant des denrées périssables ont l'autorisation de circuler : une chance pour les nombreux automobilistes qui se rendent dans les stations balnéaires du bassin d'Arcachon, des plages landaises ou basques !

Au moment de dépasser un de ces camions-frigos, la voiture où j'avais pris place est heurtée par l'éclat d'un pneu sournoisement encastré dans la roue avant droite de la petite voiture qui tangue, vacille, se presse vers le camion, le double, glisse sur la chaussée vers l'herbe fraiche, traverse le grillage de la clôture, se cabre dans le fossé, se retourne et vient se poser sur le toit. La tête à l'envers, le corps tenu par la ceinture, le premier réflexe vient de la langue qui interroge, de la bouche qui appelle et qui répond. L'inquiétude vient de celle qui ne répond pas, de cette perte de conscience, de ce corps allongé sur l'herbe où déjà deux personnes se penchent, médecins passant au regard de l'accident.

Le transport européen de marchandises est un phénomène impressionnant qu'il ne faut pas manquer d'observer tellement il est irrationnel et obsolète. Il détient la palme d'or du film fantastique d'une catastrophe bande annonce. L'Europe entourée d'eau et dotée de nombreux ports, mais aussi traversée de part en part de voies ferrées, pense-t-elle que les camions et les transporteurs vont pouvoir continuer leur développement exponentiel, ignorant leur impact sur l'environnement et leur menace permanente envers la santé et la sécurité des populations qu'ils traversent ? Certaines agglomérations de villes moyennes ou grandes sont paralysées et pénalisées ; elles doivent sacrifier leur territoire naturel pour créer de nouvelles autoroutes, de nouveaux contournement et investir l'argent de leurs enfants pour être pollués et basculés dans l'herbe. Il y a belle lurette que tout le monde sait que les carburants issus des produits pétroliers seront de plus en plus rares et de plus en plus chers. A quoi bon favoriser ce mode de transport routier ? Quel est le pouvoir réel de ces travailleurs de l'asphalte qui demandent un carburant moins cher ?

Il est difficile de répondre à ces questions mais quelques certitudes dérangent l'ordre établi des faiseurs d'influence : le prix du pétrole brut ne cessera d'augmenter car les producteurs ne laisseront pas passer leur dernière chance de faire d'énormes profits tout en protégeant leurs réserves, les états européens concernés ne pourront diminuer les taxes dont ils ont besoin pour résorber leurs déficits budgétaires, les consommateurs ne pourront pas payer les surcouts du transport de marchandises, sorte d'inflation néfaste à la croissance économique et au pouvoir d'achat.

Pour réduire les distances entre les hommes, il faut prendre de la distance avec les moyens de transports de marchandises. La conférence romaine de la FAO a constaté la nécessité de favoriser la production et la distribution de proximité dans les pays pauvres.

« Le transport routier, ce n'est plus le mode » disait YSL.
A bientôt

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