lettres malgaches 38

Roivivant à Tontonjef, le jour de Saint Patrick

L'Europe est malade. Elle souffre d'une maladie chronique, de constitution, de ratification. Elle est traitée par des médicaments génétiquement modifiés qui affaiblissent ses défenseurs. Elle a reçu des greffes multiples qui ne se gênent pas pour la rejeter. Elle a même réussi à organiser une compétition de football intégrant les équipes de Turquie et d'Israël. Dans ce grand continent de 27 états, un tout petit pays habité par une poignée d'irréductibles combattants vient de poignarder la plus belle construction humaine du 20ième siècle.

Bien sur, avec le recul d'un australopithèque, il est facile de mettre en évidence de nombreuses incohérences, des erreurs et même des abus de pouvoir. Les incohérences viennent des catégories professionnelles comme les agriculteurs qui se sont distribué des subventions d'une manière tellement inéquitable que leur grande majorité est persuadée qu'elle sera toujours laissée pour compte. Idem pour les pécheurs avec les quotas. Tous les mécontents votent NON pour contester des politiques soumises à des groupes d'influence industriels dont la mondialisation est devenue la religion. Les erreurs viennent du foisonnement de directives produites par la commission européenne obligeant les états à légiférer dans le même sens alors qu'ils ont des constitutions et des procédures légales si diverses. Ces directives ne peuvent être qu'inapplicables, contrecarrées, détournées, ajournées, amandées, vilipendées, abrogées. Quel gâchis ! Que de combats inutiles ! Que d'illusions trompées ! Que d'espoirs anéantis par une nouvelle intelligentsia affranchie de certains poids mais alourdie de son arrogance technocratique.

Une énorme supercherie tente de faire croire aux citoyens qu'ils seront bénéficiaires d'une machine qui tourne sur elle-même. Plus personne en Europe ne croit à l'efficacité de cette administration de régence, plus personne ne constate de différence entre telle ou telle présidence alternée, entre tel ou tel traité. Cet échec montre simplement le hiatus sociologique dont souffrent les élites politiques européennes engluées et engoncées dans leur conservatisme déconnecté des réalités du monde.

L'Irlande aujourd'hui oublie les bienfaits de la manne européenne qui apportait hier la prospérité à une minorité et du ressentiment à une majorité. Existe-t-il une méthode de distribution équitable ? Pourquoi les citoyens mécontents doivent-ils continuer à payer les impôts qui permettent à ces politiques de se perpétuer au lieu de réduire les déficits budgétaires. Chaque NON est le signal d'un nouveau retard car la machine s'alimente de ces refus, de ces vindictes, les encourage pour asseoir son pouvoir. « On va foutre le bordel » me disait cet élu politique, irresponsable et provocateur.

Mon cher Tontonjef, l'Europe est peut-être victime d'une malédiction proférée par les innocents appauvris et exploités. Depuis des décennies elle accumule des richesses ; elle va certainement payer cher les illusions dont elle nourrit l'imaginaire de ses peuples. A bientôt