lettres malgaches 22
Tontonjef à Roivivant, le jour de St Vendredi
Pendant 2 semaines, j'ai accompagné un groupe de touristes chinois en visite sur la côte Est de Madagascar. C'est notre ami Michel de Vatomandry, connaissant bien le directeur de l'hôpital qui a recommandé l'association à ses compatriotes. Tu connais l'importance de la coopération chinoise à Madagascar, surtout depuis qu'ils ont réalisé le chantier de la route reliant Vatomandry à Brickaville, 80 km de route asphaltée, sinueuse mais beaucoup plus rapide que l'ancienne piste défoncée. C'est une revanche sur les français de Monsieur Bouygues qui pensaient emporter le marché, mais les nouveaux colons ont remplacé les anciens.
Je parle de revanche car, à la fin du 19ième siècle, les colons français avaient utilisé les travailleurs chinois, appelés coolies, pour creuser le Canal des Pangalanes, long de 650 kilomètres. A cette époque le général Gallieni régnait en maître sur l'île et son entreprise fit périr plus de 3000 ouvriers malgaches et surtout chinois, dont les descendants veulent retrouver la mémoire. Ce « devoir de mémoire » ou pèlerinage sur les lieux de souffrance, d'abus, de despotisme ou de colonialisme me parait bizarre mais j'ai accepté de les guider dans le labyrinthe du canal car j'ai besoin de nourrir ma famille et payer les bateaux commandés à John.
Avec moi, ils sont très gentils mais ils se plaignent beaucoup des européens qui les critiquent actuellement à cause de la répression au Tibet. Ils disent que les intellectuels et les journalistes français appellent à boycotter les Jeux Olympique de Pékin cet été, alors que le sport n'a rien à voir avec la politique. Cela me parait logique et je leur dit de ne pas s'inquiéter car le DalaÏ Lama, l'homme habillé en robe orange, est un homme pacifique qui n'aime pas la violence. Je ne comprends pas pourquoi les chinois, déjà si nombreux dans un territoire si vaste, veulent soumettre ce petit pays qui ne produit que des bonzes et des lamas.
Je leur ai demandé s'ils trouvaient normale la situation prévalant dans les hôpitaux de la côte Est, de Tamatave à Mankara, où les directeurs sont des notables chinois exerçant également des fonctions diplomatiques et roulant en 4x4 avec chauffeur. Ils m'ont répondu que les malgaches envoyaient depuis longtemps leurs enfants les plus instruits travailler dans les hôpitaux français.
Mon cher Roivivant, j'aimerai que tu me dises si cela est vrai. Dans tous les cas, je ne pense pas que la République Malgache boycotte les JO de Pékin.
A bientôt.
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