lettres malgaches 66

Publié le par tontonjef









Roivivant à Eric. B, le jour des soldes






Assis au bord de l'océan, dans le sable mouvant des bris de vague où les enfants bâtissent à marée basse des cités imaginaires, éphémères et englouties, j'ai remarqué l'arrivée, à quelques mètres, de voisins de baignade distingués, un peu impressionnés par les rouleaux d'automne du Golfe de Gascogne. Tu avais enfilé ta combi de prévoyance shorty noire au risque de passer pour un frileux. Le voisinage, en tenue de saison, était, ma foi, peu nombreux ni attentif à tes ébats. Ta tenue de camouflage attira mon attention au point de te reconnaitre et d'observer avec curiosité la baignade d'un traitre en famille.


Sur l'écran des jours de guerre, des discours de galère et des récits de leurs misères, je t'aperçois, pimpant, souriant et altier, tel un chevalier dans son armure, costume sombre, cravate bleu, au milieu des rouleaux politiques et médiatiques, sur la grève où s'achève le capitalisme. Tu as récolté quelques cailloux blancs que le petit poucet avait mis sur ton chemin, tu les as fait fructifier, car c'était ton destin, et là, au pied d'estal, tu mets ta plus belle chemise, sur ta nouvelle veste. Tu instaures une dialectique de mixeur en organisant le colloque « nouveau monde, nouveau capitalisme », tremplin de saut à l'élastique pour certains de tes invités et toi-même, théâtre des records de distance entre les valeurs de départ et celles d'arrivée.


Si le nouveau monde est porté par les dirigeants actuels, par leurs institutions, par les démocraties, par les dictatures, les rebelles et autres trucs à inventer, on peut se demander comment ils voient le nouveau capitalisme. Sans spéculateurs, sans trafics, sans mafias, sans corruption, sans abus de pouvoir, sans licenciement abusif, sans délit d'initiés, sans harcèlement, sans injustice, sans peurs et sans reproches ? Impossible enfin, le monde est trop ancien pour se fier au nouveau. Il en connait toutes les ruses, tous les artifices, tous les mirages et toutes les fins. Le capitalisme est trop nouveau pour nous faire croire qu'il survivra. Evidemment, les prophètes du capitalisme ont détruit le mythe or l'homme a besoin de mythes pour inscrire son présent. Il déguise son histoire, oublie son avenir mais reste accroché au rocher, reste nu sans combi, offre son corps à la vague, roule dans le gravier du souvenir et s'échoue à nouveau, comme au premier jour, illuminé par les astres.


Mon cher Eric, ta carapace est le symbole de notre enfermement, aujourd'hui, hier et demain peut-être. A bientôt

Publié dans Actualité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article